HISTOIRE: quand les journalistes faisaient la promotion de la lobotomie et facilitaient son adoption au détriment des avis scientifiques réservés. Les responsabilités de la presse dans les erreurs médicales

La presse n’ a pas été un acteur neutre et objectif lors de la crise sanitaire. Elle a sélectionné une vérité imposée comme la Vérité. Elle a contribué à discréditer des scientifiques rreconnus, a censuré les études scientifiques les plus sérieuses. Pire , elle a pesé dans les décisions , et porte une lourde responsabilité dans les erreurs commises.

Le phénomène n’est pas nouveau, la presse, en son temps imposa la lobotomie comme parfait traitement des maladies mentales même si cette boucherie transforma des milliers de victimes en légumes vivants.

Comment la médecine a-t-elle pu accoucher d’une telle invention, et plus incroyable encore, la couronner du prix Nobel ?  L’insuffisance des connaissances ne limitait pas l’esprit d’entreprise des thuriféraires de la lobotomie, qui voyaient alors des indications partout et ont eu le scalpel bien leste.

Les premières lobotomies réalisées par Egas Moniz consistaient à interrompre les circuits neuronaux responsables des troubles psychotiques. Pour cela, on glissait un petit scalpel de chaque côté du front par un trou de trépan afin de déconnecter les lobes frontaux du reste de l’encéphale avec les destructions neuronales que cela engendrait.

Des centaines de travaux académiques ont analysé la couverture médiatique de la recherche biomédicale. Ils ont montré que les observations scientifiques couvertes par les médias sont fréquemment embellies par des distorsions et omissions. Celles-ci sont souvent déjà présentes dans les publications scientifiques et se propagent, voire se renforcent, dans les communiqués de presse publiés par les institutions scientifiques. Elles sont alors reprises, souvent sans critique, par les médias. De plus, le choix des sujets traités par les médias accentue les biais de publication privilégiant les observations initiales et celles qui rapportent un effet positif. Il en résulte que les observations biomédicales rapportées par les médias sont souvent contredites par les recherches ultérieures sans que le public en soit informé. 

On est pour le moins surpris de retrouver des psychanalystes parmi les plus ardents promoteurs de la technique (Serge Lebovici , qui devint par la suite le chef de file de la pédopsychanalyse, est l’un d’eux, qui rapportait avec ces collègues la pratique d’une lobotomie chez un jeune délinquant sur l’insistance de sa mère !)On assiste donc à l’engouement rapide pour la technique, en dépit de quelques réserves initiales, et de l’opposition déterminée de certains psychiatres (Baruk, notamment)

 La lobotomie a été considérée comme révolutionnaire par une grande partie du public pendant plusieurs années. Dans un article publié par le New York Times en 1937, le journaliste William Laurence la présente comme une « opération chirurgicale pour l’âme ». Au total, près de 40 000 Américains ont été lobotomisés. Au plus fort de la mode, en 1949, ils ont été 5 000. La procédure était si populaire que des centaines d’individus se sont portés volontaires pour la subir une deuxième fois. Certains sont même passés trois fois sur le billard.

La lobotomie (ou leucotomie) est une intervention chirurgicale consistant à sectionner les fibres reliant différentes parties du cerveau afin de les « déconnecter ». Ce sont les lobes frontaux (cortex préfrontal) qui sont le plus souvent concernés et « isolés » du reste de l’encéphale.

Le terme de lobotomie fait souvent peur en raison de ses débuts, dans la première moitié du XXè siècle (dans les années 1930 avec le neurologue portugais Egas Moniz qui obtint le Prix Nobel en 1949). Il s’agissait d’une lobotomie destinée à traiter certaines maladies mentales telles que la schizophrénie, voire l’épilepsie, puis d’autres troubles mentaux et moteurs par la suite.

Les séquelles étaient parfois irréversibles, et altéraient en profondeur la personnalité du patient…

Cette lobotomie n’était satisfaisante ni médicalement ( et 6 % de décès) ni d’un point de vue éthique, d’autant qu’elle était irréversible.

À sa suite, dans les années 1940-1950, le neuropsychiatre américain Walter Freeman a pratiqué de nombreuses lobotomies frontales transorbitaires particulièrement violentes. Elles consistaient, après une anesthésie sommaire (provoquée par un électrochoc), à passer sous l’orbite (sous l’arcade sourcilière) et à enfoncer de 7 cm un instrument pointu (« pic à glace ») dans le sinus frontal à l’aide d’un maillet. En remuant la main, il déconnectait les lobes frontaux de ses malades. Quelques minutes suffisaient pour réaliser cette opération.

 W. Freeman a parcouru les États-Unis et opéré entre 2 500 et 4 000 personnes avec 14 % de décès des suites opératoires, de nombreuses séquelles irréversibles

Pour promouvoir sa technique, et avant même d’en publier les trois premiers cas dans une revue médicale, il contacta un ami journaliste. Celui-ci publia en novembre 1936 dans le Evening Star le premier article de presse en faveur de la lobotomie (Ogren, 2013). Ensuite, et pendant une dizaine d’années, la presse américaine a publié de nombreux articles qui étaient tous très favorables à cette intervention. De rares articles mentionnèrent les inconvénients du traitement en les édulcorant : certes les patients étaient très apathiques après l’opération, mais ceci était préférable à leur état antérieur (Diefenbach, Baumeister et West, 1999 ; Ogren, 2013).

Entre 1945 et 1955 les articles de presse devinrent plus nuancés concernant les bénéfices et l’étendue des applications de la lobotomie aux divers troubles mentaux. Cependant, les articles en décrivant clairement les inconvénients et les échecs (y compris le taux de mortalité post-opératoire qui atteignait 10 % dans certains hôpitaux) restèrent rares, d’autant qu’Egas Monitz reçut en 1949 le prix Nobel (Diefenbach et al., 1999 ; Ogren, 2013).

Après 1955, la presse publia de moins en moins d’articles consacrés à la lobotomie. Le nombre d’interventions chuta brutalement au début des années 60, quand l’usage des premiers neuroleptiques se répandit en même temps qu’un bouche-à-oreille croissant parmi les psychiatres concernant l’inefficacité et la dangerosité de la lobotomie préfrontale.

Il faut savoir que les lobes frontaux gèrent un grand nombre de fonctions cognitives (notions mathématiques, mémoire, jugement, planification, personnalité, comportement social et sexuel, etc.) et exerce une partie du contrôle moteur du corps (mouvements volontaires).

Un cas est d’ailleurs resté célèbre, celui d’Eva Peron, la femme du dirigeant populiste argentin

Eva Peron, épouse du dictateur argentin, Juan Peron lobotomisée pour soulager des douleurs provoquées par un cancer de l'utérus. (c) DR

Eva Peron, épouse du dictateur argentin, Juan Peron lobotomisée pour soulager des douleurs provoquées par un cancer de l’utérus. (c) DR Juan Peron. En 1952, elle a été lobotomisée pour un cancer de l’utérus qui l’a emportée à l’âge de 33 ans. L’opération avait ici une visée antalgique, autrement dit celle d’atténuer les douleurs.

Sorti en 1975, le film Vol au-dessus d’un nid de coucou, dans lequel le personnage principal incarné par Jack Nicholson se fait lobotomiser, achève de retourner l’opinion publique.

Fait particulièrement troublant: la lobotomie a surtout été pratiquée sur des femmes. Une étude publiée en 2017 dans Nature a révélé que 84% des interventions réalisées en France, Suisse et Belgique entre 1935 et 1985 ont concerné des patientes. Le pouvoir limité des femmes dans la société de l’époque a pu les rendre plus vulnérables à des opérations abusives. Tout comme de nombreux enfants, à l’image de l’Américain Howard Dully, lobotomisé à 12 ans en raison de son caractère récalcitrant

Autre célébrité, Rosemary Kennedy, la sœur de John Fitzgerald Kennedy. Elle a également été opérée en 1941 dans le plus grand secret à la demande de son père, Joseph Kennedy. Elle en gardera d’énormes séquelles, restant handicapée à vie.

Sœur de John F. Kennedy

Rosemary aurait été considérée comme retardée par les membres de sa famille, mais cette évaluation a été largement contestée par les analystes ultérieurs. Certains ont conclu que Rosemary n’était peut-être pas aussi brillante que les autres membres de sa famille, mais elle était une personne pleinement fonctionnelle, tenait un journal et avait une vie sociale active. Rosemary aurait été sujette à de violentes sautes d’humeur et à une personnalité orageuse, mais certains observateurs ont depuis attribué ce comportement à ses difficultés à suivre ses frères et sœurs actifs. En 1941, alors que Rosemary avait 23 ans, son père Joseph Kennedy a été informé par ses médecins qu’une nouvelle procédure aiderait à calmer ses sautes d’humeur que la famille avait du mal à gérer à la maison. Son père a autorisé Walter Freeman et James Watts à pratiquer la lobotomie préfrontale. Après l’opération, Rosemary a été réduite à une mentalité infantile qui l’a laissée incontinente et fixant les murs pendant des heures. Ses compétences verbales étaient réduites à un babillage inintelligible.Rosemary va demeurer invalide, avec l’intelligence d’un enfant de deux ans et une hémiplégie droite, cachée par sa famille dans une institution spécialisée, jusqu’à son décès 57 ans plus tard. 

En 1949, Rosemary a déménagé dans une institution et a reçu la visite régulière de sa sœur Eunice Kennedy Shriver qui est devenue la fondatrice des Olympiques spéciaux.

https://www.letemps.ch/sciences/lobscur-engouement-lobotomie-chirurgie-brutale-cerveau

https://listverse.com/2009/06/24/top-10-fascinating-and-notable-lobotomies/

https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1076/jhin.8.1.60.1766

À ces médications de choc on peut ajouter une nouvelle thérapeutique chirurgicale qui semble plus audacieuse encore, la lobotomie préfrontale, qui consiste, avec les précautions que l’on devine, à pratiquer une incision dans les lobes frontaux du cerveau.
Cette intervention a été appliquée à des cas d’angoisse, d’obsession, d’irritabilité, d’hypochondrie, ainsi qu’à la démence précoce, avec de nombreux cas de guérison. The Times citait dernièrement le cas d’une femme accusée de divers méfaits, perverse de nature, que le juge envoya dans un asile psychiatrique où elle se soumit volontairement à la lobotomie préfrontale ; six semaines après l’opération, son état mental était complètement modifié ; elle était devenue une personne normale et modeste. »

Représentation de la lobotomie dans la presse populaire : 1935-1960

Cette étude a analysé le contenu d’articles de presse populaires sur la lobotomie entre les années 1935 et 1960. Une analyse qualitative et quantitative a fourni la preuve que la presse utilisait initialement des styles de reportage non critiques et sensationnels, le contenu des articles sur la lobotomie devenant de plus en plus négatif au fil du temps. Le biais positif initial s’est produit malgré des points de vue opposés dans la communauté médicale, ce qui a fourni une base pour une couverture plus équilibrée. Ces résultats soutiennent la théorie selon laquelle des reportages biaisés dans des articles de presse populaires peuvent avoir été un facteur influençant l’adoption rapide et généralisée de la lobotomie en tant que traitement psychiatrique.

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9 commentaires pour HISTOIRE: quand les journalistes faisaient la promotion de la lobotomie et facilitaient son adoption au détriment des avis scientifiques réservés. Les responsabilités de la presse dans les erreurs médicales

  1. Pierre Driout dit :

    Un musée des horreurs …

    Aimé par 1 personne

    • herve_02 dit :

      La médecine est une épopée des horreurs avec quelques accalmies lorsqu’il n’était plus possible d’en cacher les effets.

      Tous ceux qui ont fait un peu de recherches historique le savent. On opéraient les bébés sans anesthésie en france jusque dans les années 70, arguant qu’ils ne se souviendraient pas de la douleur. Comme les médecins nazis dans les camps en fait.

      Et ce sont ces « professeurs » qui faisaient cela qui enseignaient aux médecins que vous avez en ce moment.

      Histoire d’avoir une idée du niveau des études en qualité.

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      • Carolyonne89 dit :

        J’ai donc la chance d’avoir un médecin d’exception, formidablement investi auprès de ses patients, mais c’est si rare ! La plupart sont effectivement les descendants de ces professeurs… Et ça se voit de plus en plus malheureusement

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      • herve_02 dit :

        @Carolyonne89

        il y a 3 ans, de nombreuses personnes, même ici disaient avoir la chance d’avoir un médecin humain qui les comprenaient et avait une éthique forte… jusqu’à l’épisode doliprane.

        il disait quoi ce médecin sur les 11 vaxXxins obligatoires pour les enfants, pour le hpv recommandé ? pour le vaxXxin covid ? pour les statines ? pour le viox ? pour la dépakyne ? pour le distilbène ? Il soignait pendant le covid ? ivermectine ? azythromicine ?

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  2. Carolyonne89 dit :

    C’est vraiment horrible ce que certains, qui se disent des scientifiques, se permettent de faire, et s’en glorifient, jusqu’au jour où…ces techniques inhumaines sont enfin décriées ! Les médias ont une responsabilité pleine et entière pour soutenir de tels actes, ils sont complices et devraient être, comme ceux qui pratiquent ces horreurs jugés responsables et punis sévèrement afin que ces pratiques cessent, mais on sait plus que jamais aujourd’hui après ce qu’on a traversé que ça n’arrivera jamais ! Le 4eme pouvoir détenu par certains fait énormément de dégâts humains sans toucher le scalpel ou la piquouze, juste avec des articles ! Ça paraît fou quand on y pense, et pourtant…

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  3. carabi dit :

    « Eva Peron, épouse du dictateur argentin, Juan Peron lobotomisée pour soulager des douleurs provoquées par un cancer de l’utérus. »

    Aujourd’hui, des personnes atteintes de douleurs neurologiques graves, qui se sont déclarées juste après des injections anti-covid, se voient proposer des perfusions de kétamine.
    Ces perfusion ne guérissent pas la maladie dont ces personnes souffrent, mais les transforment en légumes.
    Les injection de kétamines : Nouvelles lobotomies !

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    • JBL1960 dit :

      Argh ! Un médecin spécialiste de la douleur voulait me faire intégrer un programme de perfusions de Kétamine, alors que j’ai une dyspepsie sévère, pour soulager une dysarthrose dégénérative généralisée… Heureusement, mon plus jeune fils (qui est décédé l’année dernière) et Zénon m’ont expliquée ce que c’était exactement que la Kétamine… Je l’ai envoyé se faire mettre… Heureusement !

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  4. Lederer dit :

    C’est terrible ce qui est « faisable » au nom de La Science ! Mais c’est malheureusement pas si étonnant et me revient en mémoire mon étonnement devant un nombre conséquent d’étudiants de ma fac de médecine qui dès la 2nd année faisait des gardes tant aux urgences qu’en Chir ou médecine sans qualification. Juste apprendre « sur le tas » mais plutôt au dépens du « tas ». Non la médecine n’est pas une science ne l’a jamais été et les étudiants et futurs médecins ne sont pas par « nature » des scientifiques ! La médecine c’est un savoir plat horizontal mâché remâché et lié à des chapelles dogmatiques où la notoriété doit l’emporter. Briller avant d’avoir l’air con (c’est lié à la différence entre la vitesse de la lumière et celle du son!) triste monde !

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