Noëls du Vieux Pays

Extrait de « l’enfance de Vonne » (Yvonne Gibertie , la cuisine des femmes en Périgord)
Maman se souvenait des Noëls passés au Bousquet avec la gentille Maria, sa grand-mère paternelle et la tante Germaine.
« Moi, ce que je voulais c’était du gâteau au chocolat, elle le faisait tellement bon avec un beau morceau de beurre préparé à la baratte. La mémé Maria me conduisait au poulailler pour voir si les poules avaient pondu. Après il fallait trouver le chocolat, on en volait un peu dans la boite du cousin Clovis… »
Le pineau de Noah en apéritif concurrençait toujours le Dubonnet ou la Suze . La soupe et son chabrol puis une longue liste de plats . Dans les années de pénurie de la guerre personne n’aurait pu imaginer ne rien manger …
Simples châtaignes, millassou , un moelleux à la farine de maïs avec de la courge et des pommes, ou encore un tas de crêpes.
Deux mondes se séparaient à l’occasion de la veillée.
Les hommes prenaient possession de la grande table à demi débarrassée et conservaient leur verre pour la « goutte » de prune.
Commençait alors un moment tout aussi sacré que le rampeau , celui de la « bourre ».
La Bourre est un jeu de cartes des pays d’Oc, , le jeu des paysans et des poilus joué dans les tranchées lors de la 1ère guerre mondiale. Le but est de faire le plus de plis (« plèc ») afin de gagner la cagnotte.
Les joueurs fixent une mise de départ pour la partie . La distribution est classique. C’est le joueur à droite du « croupier » qui doit couper le tas. Le rôle du donneur change au fur et à mesure des mains afin que tout le monde ait son tour dans une partie. Les cartes se distribuent une par une de gauche à droite. Les joueurs auront cinq cartes chacun. Les cartes distribuées sont cachées et vues uniquement par leur destinataire. Seule la dernière carte distribuée, c’est à dire la cinquième carte du donneur sera montrée à tous car sa couleur indiquera la couleur de l’atout.
Une fois les cinq cartes reçues, le joueur doit décider s’il passe ou s’il continue. S’il passe, il se couche et ne participera plus à la main qui se joue.
Les tours passent, et chacun doit déposer une carte de même couleur, mais supérieure à la précédente, ou couper à l’atout. La hiérarchie des cartes : roi ,dame , valet, as, 10,9,8,7.
Celui qui n’a fait aucun pli est dit bourru et doit mettre l’équivalent de tout ce qu’il y avait au pot pour la prochaine partie. Les autres se partagent la somme en fonction du nombre de plis . Comme il peut y avoir plusieurs bourrus à la suite, le montant du pot monte vite et la tradition en limitait le montant maximal.
Il parait que nos cousins de Louisiane pratiquent encore ce jeu disparu de nos campagnes.
A la veillée, l’autre monde, c’était celui des femmes. Elles passaient la veillée autour du feu de cheminée , seule source de chaleur . Les anciennes se réservaient une place au cantou, les plus jeunes et les enfants formaient un demi-cercle autour du feu .
Quelques potins pouvaient perturber la veillée mais les enfants recentraient sur les belles histoires. Le temps de la transmission commençait. La morale , le rappel des dangers, tout ce que contiennent les contes dans les sociétés traditionnelles . Le fantastique, jamais le merveilleux, l’univers des histoires appartenait au notre, les héros , nous les connaissions ou nous connaissions leurs descendants . Ce qui leur advenait pouvait nous menacer si nous n’y prenions garde.
Le Diable, mais pas celui de la Religion , plutôt un mauvais génie païen venu séduire les jeunes filles imprudentes qui partaient seules danser par les chemins de traverse . La vallée de la Beune toute proche servait de décor avec ses bois profonds, ses châteaux abandonnés, à presque toutes les histoires.
Le château de Commarque, alors totalement abandonné mais connu de tous les paysans servait de point d’entrée dans l’au-delà. Pour y rencontrer le Diable, il suffisait de s’y rendre au moment de la messe de minuit avec deux poules noires à lui sacrifier . Il fallait l’appeler sept fois de son nom d’ici : « Raoul ».
De même il ne fallait en aucun cas se rendre dans la grange la nuit de Noël car les animaux parlaient et celui qui les entendrait ne passerait pas l’année.
Personne n’aurait oser cette nuit-là, traverser la vallée de la Beune ou déranger les animaux…
Vers onze heures les femmes laissaient les hommes jouer à la bourre et partaient à pied, avec les enfants, pour la messe de minuit. Il fallait suivre le sentier qui, au travers les bois, conduisait les enfants à l’école, avec un falot pour tout éclairage. …
Après la messe , le temps de rentrer et de préparer un tourain aux oignons et à la tomate, de déranger les hommes qui jouaient toujours à la bourre . Le temps du fameux gâteau au chocolat .
Puis tous s’entassaient dans la Citroen de pépé Edouard …
Le lendemain matin , Maman trouvait les cadeaux, toujours le même avant la guerre : un petit Jésus en sucre ou en chocolat et des dattes…
L’ouvrage peut être commandé via la fnac, cultura, Amazon et bien entendu chez tous les libraires ( préciser distribution SODIS)
Merci pour ce récit émouvant.
J’ai connu la fin de tout cela, avec quelques variantes, dans ma jeune enfance, chez ma grand-mère maternelle, au fin fond de l’Aveyron.
Bon Noël à vous.
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Dans le Limousin, mes parents jouaient à la bourre avec nos voisins dans une ambiance fraternelle / familiale. Que de bons souvenirs
Les temps ont changé.
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Belle plume un héritage de famille je vous envie. Merci pour votre blog Monsieur Gibertie toujours riche d’informations. Souhaitons nous une année avec une France locale combative portant les valeurs de l’article 2. Meilleurs vœux
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je ne commente que rarement car il faut login sur le site general wordpress et je ne connais pas mes identifiants par coeur, mais sache que je ne manque pas de cliquer sur tes emails et tu rends grand service de par tes choix quant a ce que tu choisi d’envoyer… merci!
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Joyeux Noël Patrice
Merci infiniment
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??joyeux noel et merci pour tout
butterfly marc ________________________________
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Excellent !
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MERCI pour ce bel extrait de l’enfance de VONE ,JOYEUX NOEL à toi aussi PATRICE ,tes mails sont toujours agréables à lire .
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la Citroen de pépé Edouard…
Merci pour ce moment de rêve d’un monde disparu.
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C’est très beau, merci et bon Noël !
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Le chocolat ne pousse pas dans le Périgord …;
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Joyeuse fin d’année Patrice !
Merci pour votre blog qui nous aide à ouvrir les yeux et pour votre belle et agréable plume.
« Personne n’aurait oser cette nuit-là, traverser la vallée de la Beune ou déranger les animaux… »
J’adore !
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Merci pour cette belle évocation des traditions de notre Périgord – et de cette grande dame qu’était Yvonne Gibertie. Alexis
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