
Macron n’est pas Mitterrand, dans les années 80 le Macchiavel à la rose a éliminé Chirac en faisant monter Le Pen . Macron joue le même jeu , il a choisi Marine et entend éliminer toute alternative, mais cette triangulation peut s’avérer perdante. Macron en portera toute la responsabilité.
Alexis Lévrier vient d’écrire « Jupiter et Mercure. Le pouvoir présidentiel face à la presse », mais le récit des relations des présidents et de la presse devient très vite une analyse très fine de la stratégie politique d’Emmanuel Macron . Il nous apprend les liens étranges entre Pascal Praud, Valeurs Actuelles et l’Elysée…
Le livre nous vient de la rive gauche et il résume bien les amours déçus des « progressistes » à l’égard du macronisme. Mieux il se fait le porte parole de la presse écrite parisienne . Mais le plus interessant est ailleurs, dans la description d’un apprenti Mitterrand au jeu dangereux.
Tous les dirigeants souhaitent disposer d’une presse à leur service mais ce n’est pas aussi facile qu’on peut le croire. Emmanuel Macron fut l’enfant chéri des médias qui voulaient éviter l’arrivée de la droite au pouvoir. Lecanuet en 65, Poher en 69, Giscard en 74, Mitterrand en 81 et plus encore en 88, Balladur puis Ségolène et enfin Hollande, bénéficièrent avec plus ou moins de succès de cette bienveillante protection
La presse n’a jamais aimé de Gaulle ou Chirac, elle a tué Sarkozy, Séguin, Fillion et Wauquiez, elle aime utiliser le repoussoir Le Pen.
Peut elle aujourd’hui jouer le jeu d’un match Macron /Le Pen ?
Alexis Levrier est intelligent et il a pris conscience qu’à vouloir faire disparaitre le bon vieux clivage droite gauche Macron prépare l’élection de Marine Le Pen .
Je ne partage pas toutes les analyses d’Alexis, je ne crois pas que Macron soit un Jupitérien caché mais bien plus un histrion médiatique . Je serai donc plus proche de l’analyse de Maxime Tandonnet:
Il est presque par nature un histrion médiatique dont la mission est de vibrionner au maximum pour capter l’attention du pays et servir de leurre pendant que tout s’effondre dans l’indifférence générale: abolition d’une société de liberté (immonde et absurde couvre-feu), faillite sanglante de la politique sanitaire, vertigineuse dégringolade du niveau scolaire, destruction de la démocratie parlementaire, explosion de la dette publique, du chômage tellement gigantesque et banalisé qu’on en parle même plus, de la pauvreté (10 millions de pauvres), de la violence chaotique, de la perte de contrôle des frontières et de l’accélération du déclin économique. Il faut aussi occuper les esprits à l’heure du nouvel embrasement du Moyen-Orient. Voilà à quoi sert un occupant de l’Elysée aujourd’hui et parfaitement interchangeable, car dans l’esbroufe, un second mandat ou un mandat le Pen feraient tout aussi bien l’affaire.
L’image du Jupiter, démiurge providentiel ou demi dieu omniprésent qui s’empare de tous les sujets dans les moindres détails, règle l’un après l’autres les problèmes et soulage tous les maux sert à compenser l’impuissance et le désastre de la puissance publique devenue une sorte de Gulliver empêtré jusqu’au ridicule.
Cette illusion est au cœur de la tentative de crétinisation de masse que nous subissons. Quelles que soient nos opinions, ne tolérons pas d’être pris pour des c…Résister, c’est d’abord réfléchir et ne pas être dupe. Maxime Tandonnet
Reconnaissons à Alexis Levrier des réflexions bien senties.
Il reconnait la séduction du candidat sur les journalistes en 2016/17 « comme Lecanuet »
Au moment de son élection, Emmanuel Macron a été présenté comme l’homme d’un » nouveau monde » qui devait remplacer les pratiques anciennes. Mais, du point de vue de ses rapports avec la presse, c’est au contraire avec un très ancien monde que ce jeune président a d’emblée voulu renouer. Il apparaît en effet comme l’héritier assumé des monarques républicains qui l’ont précédé, au point que le terme » Jupiter » lui-même est emprunté au double septennat de François Mitterrand.
Alexis Levrier rappelle l’interview clef donnée à Challenges
L’importance de cette interview a souvent été soulignée par la presse comme par Emmanuel Macron lui-même : publiée sur le site de l’hebdomadaire le 16 octobre 2016, elle fait partie des rares textes programmatiques dans lesquels Emmanuel Macron a théorisé sa conception du pouvoir. Pour interroger le candidat, la rédaction du journal a dépêché quatre journalistes dans les bureaux que loue à l’époque En Marche, au cœur de la tour Montparnasse. Emmanuel Macron reçoit ainsi pour un entretien de trois heures Maurice Szafran, Nicolas Domenach, Pierre-Henri de Menthon et un éditorialiste qui deviendra moins d’un an plus tard le porte-parole de l’Élysée : Bruno Roger-Petit. Si les autres journalistes envoyés par Challenges n’ont pas succombé à cette tentation de la traversée du miroir, tous semblent avoir éprouvé ce jour-là une authentique fascination pour le jeune candidat. Dans Le Tueur et le poète, ouvrage qu’ils consacreront à Emmanuel Macron en 2019, Maurice Szafran et Nicolas Domenach reconnaîtront ainsi avoir été impressionnés par la « remarquable démonstration » de l’ancien ministre de l’Économie.
Cet entretien fleuve aborde des questions très diverses, qui touchent aussi bien à la politique qu’à la culture, aux institutions, à la vie sociale ou à l’histoire de France. Mais le passage devenu instantanément célèbre, et auquel l’interview entière a parfois été réduite, concerne évidemment la comparaison avec le roi des dieux de la mythologie romaine. Les propos d’Emmanuel Macron sont il est vrai dépourvus d’ambiguïté et, même si la référence n’est à aucun moment explicitée, ils constituent une réponse presque mot pour mot au discours tenu le mois précédent par le président en exercice. Alors que ses intervieweurs lui demandent quel est selon lui le type de chef d’État capable d’incarner la nation, il répond en effet : « François Hollande ne croit pas au “président jupitérien”. Il considère que le président est devenu un émetteur comme un autre dans la sphère politico-médiatique. Pour ma part, je ne crois pas au président “normal”. Les Français n’attendent pas cela. Au contraire, un tel concept les déstabilise, les insécurise. Pour moi, la fonction présidentielle dans la France démocratique contemporaine doit être exercée par quelqu’un qui, sans estimer être la source de toute chose, doit conduire la société à force de convictions, d’actions et donner un sens clair à sa démarche. »
Au cours des années suivantes, Emmanuel Macron n’a plus jamais revendiqué aussi explicitement le choix d’une présidence « jupitérienne », et il ne l’a donc fait ce jour-là qu’en reprenant les termes utilisés par François Hollande. Pourtant, la plupart des commentateurs ont très vite oublié l’interview accordée par ce dernier à la revue Le Débat, et ils ont fait de son ancien ministre l’inventeur de cette expression. Nicolas Domenach et Maurice Szafran eux-mêmes, dans Le Tueur et le poète, consacrent ainsi de longues analyses à l’emploi du mot Jupiter par le nouveau président, sans se référer une seule fois à l’entretien de François Hollande paru le mois précédent. Jupiter, c’est donc d’abord cela : un mot qui aura fini par désigner toute la présidence Macron, alors qu’il a d’abord été employé par son prédécesseur comme un repoussoir. […]
Point de nouveauté mais la relation éternelle du puissant et des journalistes, l’historien Lévrier a raison : Macron a tiré les leçons du désastre Hollande et a cherché à mettre de la distance avec les journalistes.
Jusqu’au mois de juillet 2018, l’une des principales fonctions confiées à Alexandre Benalla a donc été de maintenir une cloison étanche entre le couple présidentiel et la presse, pour mieux avantager des journalistes ayant la faveur du Prince. Bien sûr, les actes dont ce jeune homme s’est rendu coupable engagent avant tout sa propre responsabilité. Mais le rôle trouble qu’il a joué au service de la communication du chef de l’État peut aussi être interprété comme un symptôme, puisqu’il témoigne des excès auxquels une relation aussi verticale avec les médias peut conduire. Avant l’éclatement de l’affaire qui lui a coûté sa place, le pouvoir d’Alexandre Benalla n’a d’ailleurs cessé de grandir et son influence de s’étendre au cœur du Palais. Selon Charlotte Chaffanjon, la salle de presse était même destinée à accueillir, après son transfert dans un bâtiment annexe, un bureau destiné aux services de sécurité de l’Élysée . Elle avait donc vocation à laisser la place, comme un ultime symbole, à l’équipe qu’Alexandre Benalla avait l’ambition de diriger.
Ces derniers ne lui ont pas pardonné le péché d’arrogance. Il situe bien le moment du désamour : l’affaire Bennala et plus encore récemment la loi sécurité liberté.
Le risque est cependant réel, lorsque Jupiter cherche à imposer ses vues à Mercure, de saper les fondements de sa propre légitimité. Conscient sans doute de ce péril, et comme l’ont fait ses devanciers les plus habiles, le Président a consenti à de réelles inflexions après les épreuves qui ont marqué le début de son mandat. Mais, comme le montre cet essai, son attitude envers la presse n’a changé qu’en surface : même s’il a renoncé à employer ce mot, Emmanuel Macron restera sans doute jusqu’au bout un président » jupitérien « .
Alexis Levrier analyse le rôle de son conseiller Roger Petit et de l’idiot utile de la Macronie, Pascal Praud . Au premier la nécessité de cacher Jupiter , les câlins à la presse , la fausse humilité, au second la mission de ramener l’électorat conservateur populaire.
Macron joue avec le feu à la manière de Mitterrand en choisissant son adversaire, Marine Le Pen
Alexis Lévrier décrit ce qu’il appelle la « triangulation avec l’extrème droite »
Le 27 décembre 2020, Franck Johannès et Ariane Chemin ont par exemple révélé dans Le Monde que, le 14 octobre précédent, Bruno Roger-Petit et Marion Maréchal avaient partagé un repas dans une brasserie du quartier Montparnasse. Contactés par les deux journalistes, le conseiller du président et la nièce de Marine Le Pen ont tous les deux confirmé la tenue de ce rendez-vous, tout en relativisant son importance. Là encore, ce déjeuner ne saurait bien entendu être considéré de près ou de loin comme un ralliement. Mais, au même titre que les échanges entre le chef de l’État et la rédaction de Valeurs actuelles, il participe d’une volonté de triangulation avec un camp politique que le président a désigné comme son principal adversaire. […]
Le parcours de l’ancien journaliste de Challenges se prêtait il est vrai à cette navigation entre plusieurs camps médiatiques et politiques. Bruno Roger-Petit est en effet très proche de la jeune rédaction de Valeurs actuelles, ce qui lui a permis de créer des passerelles entre l’Élysée et l’hebdomadaire conservateur, qu’il qualifie avec humour de « journal de punks ». Une réelle amitié l’unit en particulier à Geoffroy Lejeune, qu’il côtoie depuis de nombreuses années et avec lequel il entretient toujours des échanges réguliers. Leur rencontre a d’ailleurs eu lieu sur un plateau de télévision, à une époque où ils participaient tous deux aux émissions de Pascal Praud sur I-Télé.
Par un étonnant retournement, Bruno Roger-Petit aura donc survécu à ces « Mormons » qui pensaient avoir obtenu son éviction à l’issue de l’affaire Benalla. On peut admirer l’habileté de cet ancien journaliste et la manière dont il est parvenu, malgré l’abandon de la référence à Jupiter, à imposer de nouveau un modèle mitterrandien au cœur de l’Élysée. Mais la période n’est évidemment plus la même, et les risques de cette utilisation médiatique de l’extrême droite paraissent bien plus grands aujourd’hui qu’ils ne l’étaient au début des années 1980. La performance de Jean-Marie Le Pen à l’élection présidentielle de 1988, avec plus de 14 % des voix, avait déjà constitué à l’époque une énorme surprise pour l’opinion publique comme pour les mouvements politiques traditionnels. Aujourd’hui, le Rassemblement national est considéré comme le premier parti de France, et les sondages montrent que Marine Le Pen se trouve peut-être aux portes du pouvoir. On peut donc songer, en observant les subtils jeux de triangulation auxquels se livre Bruno Roger-Petit, aux propos prophétiques tenus par l’historien Patrick Boucheron, en novembre 2019, dans un entretien au Journal du dimanche : « Si l’idée est d’organiser l’inéluctabilité d’un face-à-face avec Marine Le Pen en 2022, elle heurte cette loi politique : désigner son adversaire revient à choisir son successeur. »
Ping : EN CHOISISSANT SON ADVERSAIRE MACRON DESIGNE T IL SON SUCCESSEUR ?.. – Qui m'aime me suive…